Qui n’a pas dans son entourage une personne disons... particulièrement « intense », affectueusement traitée d’hyperactive? Si ce n’est pas votre cas et que vous avez un certain âge, souvenez-vous du personnage de Denis la petite peste, et vous aurez une bonne idée de ce dont il est question ici...
Si plusieurs se plaisent à taquiner leurs proches dont l’énergie semble inépuisable, la situation est loin d’être rose pour ceux et celles qui sont véritablement atteints d’un TDA ou TDAH. Les personnes touchées ont souvent des appréhensions face à tel diagnostic et s’inquiètent des implications du traitement pharmacologique. De plus, il n’est pas rare d’entendre parler d’une « épidémie de surdiagnostic » de la maladie.
Mais qu’est-ce au juste que le TDA/TDAH? Est-ce réellement une maladie? La médication est-elle absolument nécessaire? Comment cette condition apparaît-elle et comment peut-on la maîtriser? Dans cet article, nous aborderons quelques-uns de ces aspects à la lumière d’une excellente conférence donnée récemment par le Dr Martin Lawrence, MD, professeur adjoint au Département de psychiatrie et de neurosciences comportementales à l’Université McMaster. J’espère que ces renseignements vous seront aussi utiles qu’ils l’ont été pour moi!
Qu’est-ce que le TDA et le TDAH chez l’adulte?
Le TDA/TDAH est en fait la plus héréditaire de toutes les conditions psychiatriques; si votre mère ou votre père était atteint, il est très probable que vous en ayez hérité. On estime qu’environ 4 % de la population souffre d’un TDA/TDAH et qu’une personne sur dix reçoit une forme ou une autre de traitement. Pour bien faire comprendre le TDA/TDAH, on doit d’abord expliquer le développement du cerveau et parler aussi un peu d’évolution. Malgré que le cerveau humain soit très complexe et très évolué, certaines de ses parties sont demeurées identiques à celles de nos plus lointains ancêtres.
Une de ces régions, constituées de deux « amygdales », se trouve à l’avant du cerveau, juste derrière les yeux. Les amygdales ont pour tâche de reconnaître les environnements nouveaux et de générer des émotions, en particulier la peur et l’anxiété. Si on remonte la chaîne de l’évolution, cela signifie que l’homme des cavernes percevait tout ce qui était « nouveau » comme une menace à sa vie. Cette partie très primitive du cerveau (« génératrice de peur ») est normalement régie par une autre, le cortex frontal. Celui-ci tient le rôle du cerveau « adulte », chargé de ramener les amygdales à la raison. Normalement ce processus se fait tout en douceur; chez les personnes atteintes d’un TDA/TDAH, c’est plus ardu.
Mais quel rapport avec le TDA/TDAH, me direz-vous?
Hé bien, voici : on sait que les enfants sont très émotifs et qu’ils ne sont pas capables de mesurer d’emblée les conséquences de leurs actes. Ils pleurent, ils rient, ils disent tout ce qui leur passe par la tête (par ex. : « grand-papa, pourquoi tu sens aussi mauvais », « tu es laide » ou « je n’aime pas ta bouffe »... ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants?). Les enfants n’ont pas d’inhibitions. C’est que leur « cerveau adulte » (le cortex frontal) n’est pas encore totalement développé et, par conséquent, ne contrôle pas encore très bien les amygdales. On sait en outre que les enfants sont très attirés par ce qui les entoure (les objets surdimensionnés, colorés, amusants!). En grandissant, les enfants apprennent peu à peu à contrôler leur comportement au moyen de leur cerveau adulte.
Quelles sont les causes?
Chez les personnes affectées par un TDA/TDAH, le cortex préfrontal tire un peu de l’arrière quant à son développement en tant que régulateur du comportement. Cela ne signifie aucunement que l’enfant (ou l’adulte) en question présente un retard de développement, mais cela veut dire que la régulation de leurs émotions et de leurs comportements n’est pas au niveau où elle devrait être – le décalage étant d’environ deux ans comparativement aux individus du même âge.
Quels sont les symptômes?
Les médecins et autres spécialistes se fondent sur des critères spécifiques pour établir un diagnostic; on les trouve facilement sur Internet. J’aimerais plutôt attirer votre attention sur quelques concepts dont on ne parle pas souvent. Lorsqu’il est question de TDA/TDAH, on pense généralement à des personnes qui sont incapables de se concentrer, ou qui passent très rapidement d’un centre d’attention à un autre. Bien que ce soit le nœud du problème, il convient de nuancer. Les personnes atteintes d’un TDA/TDAH ont de la difficulté :
- à entreprendre une tâche
- à terminer une tâche (elles n’arrivent pas à percevoir à quel moment elles doivent passer à autre chose – et cela s’applique aussi à leurs émotions!)
Si une activité ne les intéresse pas, il est pratiquement impossible pour elles de s’y mettre. Au contraire, si l’intérêt est là, elles seront extrêmement concentrées et auront du mal à s’arrêter. Il ne faut donc pas s’étonner que les gens atteints d’un TDA/TDAH soient des champions de la procrastination, qui attendent toujours à la dernière minute pour passer à l’action.
Un autre aspect, relié au cerveau primitif et au développement de l’enfant, mérite également qu’on s’y attarde. C’est que, tout comme lorsqu’elles étaient enfants, les personnes ayant un TDA/TDAH considèrent le temps sous deux formes :
- maintenant
- pas maintenant
Inutile de dire qu’une telle vision des choses a d’innombrables répercussions. Imaginons par exemple une personne sans TDA/TDAH qui a beaucoup de lessive à faire. Ce n’est pas l’activité la plus agréable, mais elle doit être faite. La personne songera sans doute à ce qui arrivera si elle ne fait pas sa lessive (pas de vêtements propres!). Sa pensée ira même plus loin et elle se dira qu’il serait vraiment très gênant de ne pas avoir de vêtements propres à se mettre pour aller travailler.
La personne avec un TDA/TDAH ne se soucie pas du futur, car ce n’est pas « maintenant ». Elle cherchera sans doute à occuper son temps par des activités beaucoup plus intéressantes et moins ingrates que la lessive.
Il s’agit d’une approche un peu simpliste, mais elle illustre quand même certains des processus cognitifs qui caractérisent le TDA/TDAH – et croyez-moi, j’en sais quelque chose! Outre le problème d’entreprendre ou de terminer une activité et la notion de « maintenant/pas maintenant », il a aussi été question, lors de la conférence, de la régulation émotionnelle chez les personnes atteintes d’un TDA/TDAH. Nous avons expliqué plus haut que les émotions sont générées par les amygdales et contrôlées par le cortex préfrontal (cerveau adulte); en cas de TDA/TDAH, ce mécanisme accuse un retard de quelques années au chapitre du développement comportemental.
Ainsi, chez les personnes atteintes d’un TDA/TDAH :
- les émotions sont mal contrôlées par le cortex préfrontal
- les émotions envahissent le cerveau et prennent toute la place
- les actes sont posés sous le coup de l’émotion
- les émotions ont tendance à dominer le reste; la pensée ne les filtre pas
- le TDAH peut facilement passer pour un trouble de la personnalité limite
- rien ne vient contrebalancer les émotions générées, elles sont exprimées telles quelles
Cela expliquerait pourquoi les personnes atteintes d’un TDA/TDAH manifestent parfois de l’irritabilité, une faible estime d’elles-mêmes, de l’anxiété, un état dépressif, une toxicomanie ou une incapacité à conserver un emploi à long terme. Leurs priorités sont dictées par leurs émotions (comme nous l’avons vu dans l’exemple de la lessive).
Que peut-on faire?
La plupart des enfants présentent – dans une certaine mesure – des signes de TDA/TDAH, puisque leurs cerveaux en développement n’exercent pas toujours un contrôle adéquat de leurs émotions et de leur impulsivité. Les enfants répondent plutôt aux critères du TDAH, tandis que les adultes s’identifieront davantage au TDA (à cet âge, la période d’hyperactivité est habituellement passée).
Le traitement peut consister en une combinaison de médicaments et de suivi professionnel (psychiatre, psychologue clinique, etc.). Cette condition n’a pas à être traitée si elle ne cause pas de problèmes. Si le trouble est léger, il est possible de développer des compétences d’adaptation avec l’aide d’un thérapeute.
Pour en savoir plus sur les options de traitement pharmacologique, consultez un médecin; dites-vous également que les suppléments naturels ne peuvent remplacer l’encadrement professionnel. Si vous êtes tenté de prendre des vitamines et des « aliments pour le cerveau », sachez que les données scientifiques permettant de conclure à leur utilité sont très limitées – à l’exception peut-être des oméga-3, qui pourraient jouer un rôle positif dans certaines situations psychiatriques (par exemple la dépression, qui peut coexister avec le TDA). Demandez toujours conseil à un professionnel de la santé qualifié d’abord.
Cela dit, les approches naturelles peuvent aussi prendre la forme d’activités physiques; l’exercice, on le sait, est source de sensations agréables pour le cerveau. Les techniques de pleine conscience permettant d’être plus « connecté » à soi-même peuvent aussi être utiles.
Il est important de savoir reconnaître ses émotions et ses priorités, de se fixer des objectifs et de se donner des défis stimulants. (Par exemple, si vous n’avez pas envie d’entreprendre cette rédaction assommante, engagez-vous suffisamment d’avance à écrire un paragraphe tous les jours, puis offrez-vous une récompense qui renforcera positivement votre bonne conduite).
Comme vous l’avez sûrement constaté, le trouble déficitaire de l’attention est un sujet fort complexe qu’il est difficile de faire tenir en quelques paragraphes, mais j’espère vous avoir éclairé un peu!