Produit de première nécessité, le sel a longtemps servi de monnaie d’échange, comme en témoigne le mot « salaire » : le « salarium » des légionnaires romains était payé…en sel. Éventuellement, les rois de France ont misé sur ce bien essentiel pour s’enrichir en exigeant la gabelle (taxe sur le sel). Le marché du sel a longtemps été un important moteur d’économie. Il ne faut pas oublier qu’avant d’avoir des frigos dans nos maisons, on l’utilisait pour la conservation alimentaire.
Aujourd’hui, le problème surgit quand l’offre d’aliments préparés explose et que la consommation de sel dépasse largement le 5 g par jour. En fait, dans certains pays développés, la consommation quotidienne s’élève plutôt entre 9 et 12g par jour, dont la moitié provient d’une dizaine d’aliments préparés d’usage courant. Les raisons qui justifient l’ajout de sel dans les aliments sont la saveur, la texture et la conservation. Pensez au bon pain fesse si léger et délicieux…qui est en fait très salé!
Apport de sel recommandé au Canada
Le sel constitue un problème pour la santé dans la mesure où il est notre première source de sodium. Les deux sont souvent utilisés comme synonymes mais en fait, le sel de mer contient 40% de sodium.
Pour simplifier le calcul: 1 cuillérée à thé de sel pèse 6 g, et contient 2400 mg de sodium. Et surprise! Cette quantité dépasse « l’apport maximal tolérable » établi par Santé Canada. Cette limite signale la quantité posant un risque pour la santé. Pour les 14 à 50 ans, elle est de 2300 mg par jour. Attention, cette limite marque la zone de danger et non la quantité recommandée ou « apport suffisant » qui est de l’ordre de 1500 mg par jour. L’apport suffisant diminue à 1300 mg après 51 ans, puis à 1200 mg à partir de 70 ans. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande pour sa part une consommation quotidienne de sel de moins de 5 g, soit moins de 2000 mg de sodium par jour.
Les statistiques nous montrent combien notre alimentation dépasse les normes. Au Canada, plus de 85% des hommes et de 60 à 80% des femmes consomment quotidiennement des quantités excédents l’apport maximal tolérable. Résultat, 30% des cas d’hypertension sont directement liés à notre consommation de sel. Les analyses ont démontré qu’en la réduisant de moitié : 1 millions de Canadiens ne souffriraient plus d’hypertension, on doublerait le nombre de personnes dont l’hypertension est bien contrôlée et le système de santé économiserait 430 millions de dollars par année juste sur les coûts de traitements d’hypertension. C’est un beau budget pour faire autre chose que de manger du sel!
Maintenant qu’on sait combien en ingurgiter par jour, il serait judicieux de savoir pourquoi on en a besoin.
Ne tentez surtout pas de couper tout le sodium de votre alimentation! Premièrement, ce serait impossible car même les aliments de base comme les fruits et les légumes en contiennent naturellement. Ensuite, notre corps en a absolument besoin pour maintenir le fonctionnement normal des cellules, les influx nerveux, l’activité musculaire, l’équilibre acido-basique et le volume plasmatique (composante liquide du sang). Le potassium joue un rôle tout aussi important pour ces fonctions et son action est intimement liée à celle du sodium. Le sodium intervient aussi dans l’absorption des nutriments par les cellules intestinales.
Et l’hypertension là dedans?
La tension tout court est la pression exercée par la circulation sanguine sur les parois des veines et artères, comme la pression de l’eau dans un boyau d’arrosage. On parle d’hypertension ou de haute pression quand la pression du sang sur les parois des vaisseaux sanguins est trop forte. Elle exige des efforts supplémentaires de la part du cœur, ce qui engendre des dommages aux artères et diminue leur élasticité.
Le processus physiologique qui lie le sodium au développement de l’hypertension est complexe mais ce lien de causalité a été mainte fois démontré : une consommation de sel accrue fait augmenter la tension artérielle. Le fait que les reins n’éliminent pas tout l’excédent de sel et que cette capacité d’élimination décline avec l’âge constitue un des éléments explicatifs.
Le potassium ou plus précisément le rapport sodium/potassium représente un autre élément. La combinaison trop de sodium/déficit de potassium a un effet néfaste sur la tension artérielle. Les études ont même démontré qu’une alimentation riche en potassium atténue l’augmentation de la tension causée par le sodium.
En plus de l’hypertension, la consommation excessive de sel serait associée à un plus grand risque d’obésité, de cancer de l’estomac et éventuellement d’ostéoporose et de calcul rénaux. Elle empirerait même les symptômes d’asthme. Inversement, une diminution de la consommation de sel réduit les risques d’autres maladies cardiovasculaires telles les AVC.
Où se cache donc tout ce sel?
Chez moi, la salière ne trône pas au centre de la table, pourtant si je ne fais pas attention de vérifier la quantité de sodium des aliments que je mange dans une journée, je dépasse l’apport maximal!
Santé Canada a compilé les sources de sodium principales de notre alimentation. Les plus grands coupables sont (roulement de tambour):
- les pains, pains éclairs et produits apparentés (14%),
- viandes transformées (9%), et
- les plats ou jus de légumes préparés (7%).
Il faut faire attention parce que certains aliments les plus salées comme les sauces (soya, bbq, nuoc mam, etc.), les bouillons, ou les viandes transformées (bacon, jambon, salami) contiennent énormément de sodium, mais sont consommées en beaucoup plus petite quantité que le pain par exemple.
Si votre tranche de pain contient 300 mg de sodium et que vous en mangez 2 par jour, voilà déjà plus du tiers de votre « apport suffisant », ça monte vite! J’ai vérifié mon délicieux pain-fesse qui, à mon grand désarroi, en compte 370 mg par tranche. Visez plutôt des pains qui ne contiennent pas plus de 100 mg de sodium par tranche.
Pour améliorer le ratio sodium-potassium, assurez-vous d’inclure des aliments riches en potassium dans votre alimentation.
Par exemple les légumineuses, les pains de seigle, le fromage cottage (qui a l’avantage de ne pas être trop salé), et les fruits et légumes dont: les abricots, bananes, cantaloup, melon miel, figues, dates, mangues et nectarines; les artichauts, avocats, betteraves, choux de Bruxelles, pommes de terre, champignons, gombo, chou-rave, chou chinois et navet.
Un autre moyen d’améliorer ce ratio est de substituer le sel de table pour un assaisonnement sans sel, à base de chlorure de potassium. On les utilise pour la cuisson des aliments seulement. Ils présentent le double avantage de diminuer le sodium tout en augmentant le potassium.
En cuisine, on peut également assaisonner avec des épices et des fines herbes au lieu du sel ou autres assaisonnement riche en sodium (glutamate monosodique, sauce soya, etc.).
Outre le sodium, on conseille de changer certaines habitudes pour favoriser une tension artérielle adéquate :
- Ne pas fumer
- Conserver ou atteindre son poids santé
- Limiter la consommation d’alcool (maximum 2 portions par jour)
- Pratiquer un sport ou une activité physique de 30 à 60 minutes à presque tous les jours.
- Manger sainement – en commençant par 8 à 10 portions de légumes et fruits par jour.
Si vos papilles se révoltent quand vous coupez le sel, sachez qu’elles s’adapteront après un certain temps. Vous serez alors étonnés de déguster un plus grand éventail de saveurs.